A vous, les amis de Chrétien en marche, j’ai besoin de partager ma tristesse d’avoir perdu un ami très cher et mon bonheur de l’avoir connu.
C’était un homme comme j’en ai peu connu.
Quelques années durant, il fut prêtre accompagnateur de l’aumônerie dont j’étais responsable.
Aussi aimait-il à me présenter comme « son chef » et s’amuser de la réaction de ses interlocuteurs.
Faisant fi des conventions, il ne s’embarrassait pas de certaines pesanteurs institutionnelles.
Pour autant, je n’ai jamais entendu Michel critiquer sa hiérarchie.
Sa grande bonté naturelle en était une raison essentielle
Sa grande bonté
Oui il était bon, fondamentalement bon. Il s’accommodait et il accommodait les situations pour avancer selon ses convictions. Il était en marche, inlassablement, obstinément avec l’évangile chevillé au corps et au cœur. Il contournait les obstacles, possédant comme nul autre l’art de l’évitement. Il s’agit-là du seul reproche que je ne lui ai jamais adressé. Cet évitement, acquis par éducation, à une époque où l’on accordait à la hiérarchie davantage de pouvoir qu’elle n’en mérite. De ce fait il n’y a pas d’espace pour transformer la violence en conflit.
Cette violence qui sourde dans notre église diocésaine, décourageant les uns, révoltant les autres quand ce n’est pas les deux à la fois. Il le savait. N’était pas dupe. Cependant, il continuait de voir le meilleur en chacun. Il nous aimait comme un frère qu’il était.
Un frère
Il était fraternel et libre, y compris à l’intérieur de son formatage, d’éducation, d’église. Je l’ai entendu dire à quelques reprises qu’il avait souhaité abdiquer son rôle de « rector potens » pour devenir un frère aux côtés de ses frères. Pas de langage inclusif hein ?
Mais qu’importe si on contextualise ! Il était ce frère aux côtés de nous, bienveillant, original, vivant, tellement vivant !
Vivant
De la vie de l’esprit qu’il avait retrouvé en plongeant dans le Renouveau aux alentours de ses 75 ans avec la fraîcheur et l’humilité qui le caractérisaient. Encore l’avait-il fait à sa façon singulière, non ostentatoire mais engagée. Là non plus, pas de chapelle, une découverte qu’il a partagée et dont je fus bénéficiaire : Ce groupe de prière qu’il a rassemblé autour de lui à Solesmes durant quelques années … Ce groupe pauvre et balbutiant dans lequel nous nous retrouvions semaine après semaine pour partager, prier, rire, invoquer et parfois pleurer.
Original
Il ne faisait rien comme tout le monde et le faisait avec une assurance humble et joyeuse. Défricheur de terres inexplorées. Inventeur de liturgies avec les « petites sœurs » – c’est ainsi qu’il les nommait -des foyers de vie de la Martinière et de la Sauvagère, dans lesquels nous allions jouer notre partition d’aumônerie hospitalière. Car pour jouer, nous avons joué. Avec quel bonheur !
Merveilleux
Il était un être merveilleux, pétri de culture et de réflexion, d’aventures à narrer, parfois répétitives mais qu’importe, c’était lui dans son désir de transmission. Son rythme étant lent et assuré. Il fut un accompagnateur formidable parce que singulier.
Accompagnateur
Je veux retenir, de sa dernière tranche de vie à la maison Saint Aldric, l’accompagnement qu’il a prodigué à ses compagnons des misères de l’âge, vivant cette période comme une aventure nouvelle dans laquelle – disait-il – avec des moyens à inventer, je peux encore témoigner de l’évangile. Il le fit. Il s’adapta, il inventa. Demandez-leur !
Singulier
Qui pouvait rivaliser avec lui sur ce terrain ? Je n’ai connu personne de tel. Non parce que nous ne serions pas chacun singulier mais parce qu’il assumait cette vérité de lui.
Il était lui, voilà tout. Et voilà que c’était magnifique. « Ta grâce me suffit » aimait-il chanter.
La Grâce
Ce fut son dernier sujet d’échange avec moi une dizaine de jours avant sa mort. Je savais, en le quittant, que je ne le reverrais plus. « Je suis dans la Grâce » a t’il soigneusement articulé. « Il me suffit d’être ».
C’est ce que je veux retenir de ce père devenu frère.
Toute sa vie, il fut dans « l’agir » sans pour autant renoncer à « être »
Pauvre, miséricordieux, singulier et bon comme notre pape François, c’est ce qui me vient en vous écrivant.
C’est ce que je voulais vous partager.
Je l’ai aimé, je l’aime. Il va me manquer mais je sais que dans l’Être maintenant, il ne cessera d’agir.
Merci Michel
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