En Sarthe des Chrétiens en Marche, des liens avec la CCBF

L’humanisme évangélique par Joseph Moingt

Le texte ci-après est le compte rendu de la conférence du Père Joseph Moingt prononcée le 27 mars 2011, lors de la Rencontre de la Communauté Chrétienne dans la Cité (CCC).

Ma communauté de base s’appelle La Compagnie de Jésus, très caractéristique, vœux d’obéissance spéciale à la personne du souverain pontife. Alors, comment avoir une parole libre avec cette attache ? C’est un problème, c’est mon problème.

Me retrouver parmi vous, je me demande si ça me rajeunit ou si ça me vieillit. Cela me ramène au moins trente ans en arrière, quand j’ai fréquenté, à plusieurs reprises la communauté de la CCC avec les chers frères maristes, Pierre Gambet…

J’ai eu d’autres attaches, 
- avec la paroisse Ste Mathilde de Châtenay-Malabry, pendant douze ans,
- une paroisse de Poissy pendant trois ans,
- un groupe paroissial de Sarcelles, pendant trois ans

Autre spécialité : je suis abonné à Parvis, à Golias, à Jésus et autres revues malfamées.

Je ne voudrais pas vous faire une conférence en bonne et due forme, mais vous proposer trois pistes de réflexions.

On m’a demandé de vous parler autour de l’humanisme évangélique. J’avais fait, voici quelques années, un  article dans  la revue Etudes qui  avait ce titre-là. Quels hommes l’Évangile nous invite-t-il à devenir? Est-ce cela l’humanisme évangélique? Oui, c’est cela. Et quelles communautés mettre en place pour y parvenir? De quels types de communautés avons-nous besoin aujourd’hui pour nous humaniser?

Je n’entrerai pas, je pense, dans des considérations ou dans des conseils très pratiques, très concrets. Je vous laisserai le soin de tirer vous-mêmes les conclusions des réflexions que je vais vous faire. Mais il s’agit bien de se rendre plus humains, de nous aider à avancer sur notre chemin d’humanité et que cela nous soutienne dans l’approfondissement de notre foi.

Quel rapport y a-t-il entre notre appartenance à la foi chrétienne, notre volonté d’être chrétien et cette démarche d’humanité, d’humanisation, de devenir davantage homme? C’est cela qui sera au cœur des réflexions que je vais vous proposer. Je vais donc vous proposer trois pistes de réflexions, réflexions que vous pourrez mener par la suite.

Une première sera de réfléchir à l’avenir du christianisme, à son présent même, à partir de ce qui se passe, en ce moment, sur la scène internationale, je veux dire à partir des révolutions arabes. Et ceci, pour nous conduire à une conception du christianisme qui serait davantage orientée vers l’éthique évangélique que vers le christianisme comme religion et pratique religieuse – éthique plutôt que religion.

Je voudrais ensuite vous proposer une seconde piste de réflexion sur la vie du chrétien en Église actuellement, et cela à partir de l’idée d’un vieux philosophe grec, l’idée d’Aristote, que l’homme est un animal politique et ceci pour réfléchir à notre citoyenneté chrétienne, et sur nos droits politiques en Église et donc pour inviter à construire la vie en Église comme un espace de parole, plutôt que comme un espace rituel. Je n’ai peut-être pas à faire beaucoup d’effort pour vous inviter à cela.

Et enfin une troisième piste de réflexion sur l’annonce de l’Évangile. Comment annoncer l’Évangile aujourd’hui, à partir de l’invitation de Vatican II dans Gaudium et spes : « C’est l’homme qu’il s’agit de sauver, c’est la société humaine qu’il faut renouveler ». Et alors ceci pour nous inviter à comprendre l’Évangile, l’Évangile en tant qu’annonce, l’Évangile dans son étymologie de « bonne nouvelle», pour comprendre l’Évangile et l’annoncer en terme de sens plutôt que de salut, de salut éternel.

Voilà les trois pistes de réflexions que je voudrais vous proposer.

Première piste de réflexion : l’avenir du christianisme comme éthique évangélique

Il y aura quatre points.

– Les révolutions du monde arabe. Quelles réflexions cela nous inspire?

– Et nous comparerons ce qui se passe dans le monde arabe avec ce qui s’est passé et qui se passe de nos jours dans le monde occidental, dit chrétien;

– Quel avenir du christianisme sous l’horizon du retrait de la religion?

– En conclusion : le christianisme comme éthique plutôt que comme religion.

Qu’est-ce qui se passe dans le monde arabe ? Comment peut-on l’interpréter ?

Il y a beaucoup d’interprétations qui sont données, en ce moment, dans les journaux. C’est la révolte d’une jeunesse étudiante éclairée. C’est la révolte des classes moyennes qui voudraient accéder au pouvoir. C’est la révolte des pauvres due à la paupérisation du peuple tandis que les gouvernants se remplissent les poches. Oui, c’est tout cela.

Pour moi, ce que je vois dans ces révolutions arabes, c’est la désagrégation d’un espace social qui avait été cimenté par la religion. Je ne dis pas que c’est la destruction de la  religion islamique. Non, pas du tout. Tout le monde sait qu’il doit y avoir des groupes islamistes en embuscade qui vont chercher à profiter de cette révolution arabe. Mais je vois d’abord que c’est l’espace social qui avait été, et qui est encore, cimenté par la loi religieuse par la charia, par la loi coranique, qui se décompose, qui se déconstruit.

On a beaucoup évoqué une invasion de l’esprit des Lumières due à la modernité occidentale, c’est sûr. Il n’y a plus de frontières complètement opaques entre les pays maintenant.  Et l’esprit du monde occidental envahit en ce moment le monde arabe. Or qu’est-ce que c’est que le monde occidental ? C’est un monde qui est sorti de la religion. C’est quelque chose comme cela qui se passe dans le monde arabe.

En France, comme en Europe en général, la modernité a été expliquée comme une victoire du rationalisme sur l’esprit religieux. Ce n’est pas cela exactement que je veux dire. Je pense que ces révolutions arabes sont menées par des gens qui se disent et qui sont certainement d’authentiques croyants islamiques.

Donc je ne prétends pas que les révolutions arabes sont une lutte contre la religion islamique mais je veux dire qu’elles sont en train de détruire une culture de société qui a été façonnée par plusieurs siècles d’islamisme, sept ou huit siècles. Et donc, ce qui s’écroule, c’est la société archaïque, la société patriarcale dont la religion était le lien social. Ce que nous voyons à cet égard  se produire dans le monde arabe et qui éclaire peut-être ce qui se passe dans le monde occidental, c’est que la société n’a plus besoin de la religion comme lien fédérateur, comme lien associatif. Toutes les sociétés sont construites sur l’union du religieux et de la politique dans le monde archaïque. Et je crois que c’est ce monde-là qui est en train de s’écrouler, qui s’est écroulé plus tôt dans le monde occidental, qui a commencé à s’écrouler depuis le début du 18ème siècle, encore que cela n’est devenu peut-être évident que beaucoup plus tard vers la fin du 19ème et surtout au 20ème. Mais c’est un phénomène  mondial.

Vous avez sans doute entendu, quand on disait que le christianisme s’écroulait en occident, nos évêques se consoler en disant : « Oui, mais voyez en Afrique, en Asie, il n’a jamais été plus prospère ». En Afrique, en Asie, qu’en est-il? Qu’en sera-t-il?

Donc révolution des classes moyennes, des classes éduquées, éclairées ; oui, d’accord, mais justement, des classes ayant entretenu un certain esprit rationaliste entre elles, en elles-mêmes, qui n’admettent plus un pouvoir théocratique, qui n’admettent plus que tous les compartiments de la vie familiale, de la vie sociale, de la vie politique soient dominés par un pouvoir théocratique. Et donc des sociétés qui affranchissent leur vie, des gens qui veulent affranchir leur vie familiale, leur vie conjugale, leur vie sexuelle, leur vie privée, leur vie culturelle etc., qui veulent l’affranchir de la coutume, la coutume qui s’est imposée à force, au nom de la religion et à travers des siècles de pression religieuse.

Donc ce qui se passe, en ce moment dans le monde arabe, me paraît vérifier la thèse de Marcel Gauchet, que vous connaissez bien, la thèse du retrait de la religion et nous permet de mieux voir qu’il y a là un phénomène mondial auquel aucune religion n’échappera.

J’ai un de mes amis jésuite, qui vit à Taïwan et surtout en Chine continentale, qui a publié récemment un livre intitulé L’empire sans milieu et sous-titré Essai sur le retrait de la religion en Chine. Phénomène mondial.

Deuxième point : comparer cela avec ce qui s’est passé et se passe en Europe.

Quand on raisonne uniquement sous l’horizon français, on peut avoir l’impression que le mouvement des Lumières a été un mouvement anti-religieux parce que les Lumières françaises, avec Voltaire etc…, a été, de fait, un mouvement assez anti-religieux et anti-chrétien. Mais le mouvement des Lumières ne s’est pas confiné uniquement en France. C’était un mouvement européen. Et les Lumières anglaises, les Lumières autrichiennes, les Lumières germaniques, les Lumières italiennes, n’ont pas du tout été marquées par un aspect anti-religieux, anti-chrétien

Mais qu’est-ce qui s’est passé dans ce phénomène des Lumières? C’est que la société a voulu se dégager des tutelles religieuses. Tutelles religieuses qui s’exerçaient soit directement, par le fait des autorités religieuses, des évêques, du pape, mais soit aussi sous la forme des lois et des coutumes.

Pensez que, encore au début au 20ème siècle, l’adultère était condamné par la loi en France. Or cette condamnation de l’adultère vient évidemment de la loi religieuse et nous voyons actuellement toutes les conquêtes des droits qui se font contre des restes de lois religieuses qui ont imprégné la société, imprégné les coutumes. La société est toujours menée par les coutumes.

Qu’est-ce que c’est que l’on a appelé tantôt  phénomène  de sécularisation, tantôt de laïcisation, c’est que la religion sort de l’espace public, elle est reléguée dans l’espace privé. Et l’espace public est celui de la raison commune, donc de plus en plus régi par la loi civile, mais la loi civile interprétée comme l’expression de la volonté commune, une volonté générale. C’est cela qui est la démocratie.

Un historien français du 17ème siècle, Jacques Lebrun a vu que les Lumières ont été la sécularisation des valeurs chrétiennes, les valeurs chrétiennes devenues un bien culturel, un bien commun, un bien déconfessionnalisé. Il a fait, par exemple des études très remarquables pour montrer comment la mystique chrétienne du pur amour de Dieu, comment elle avait influencé l’éthique kantienne tout à fait rationaliste, l’éthique kantienne du vouloir pur. L’amour pur est devenu l’éthique du vouloir pur. Donc une sécularisation d’une idée maîtresse de la spiritualité chrétienne. Kant était un grand lecteur de Fénelon. Il avait toutes les œuvres de Fénelon dans sa bibliothèque personnelle.

Alors, qu’est-ce qui attend le christianisme sous l’horizon de la sécularisation?

On peut dire un effondrement de la foi lorsque la foi n’est que l’assentiment aux pratiques et aux croyances communes à une société, quand la foi n’est que cela : adhésion  à un système de pratiques et de croyances de la société dans laquelle on vit. Alors, quand s’écroule le lien religieux, la tradition religieuse de cette société, la foi personnelle s’en va, parce qu’elle n’est que croyance, elle n’est qu’assentiment à des croyances communes. Et cela est surtout le cas quand des chrétiens, des individus croyants, convaincus, ont du se libérer des autorités religieuses pour conquérir une liberté de pensée et de parole. Et cela aussi, le fait d’avoir du lutter contre des autorités religieuses, contribue aussi à détacher les chrétiens de l’Église et aussi peut contribuer à les détacher de la foi qu’ils avaient confessée.

Alors, l’Église actuelle, mise sur la re-sacralisation de la vie en Église, sur la restauration des traditions. On en a eu des échos tout à l’heure dans la présentation des groupes. Ce sont des plaintes qu’on entend un peu partout quand on se promène. Un clergé nouveau, un clergé rajeuni et qui est devenu beaucoup plus traditionaliste et légaliste que le clergé que vous avez connu.

On parlait de Jacques Noyer qui avait une certaine indépendance. Il m’avait été envoyé, par la Commission doctrinale de l’épiscopat pour s’enquérir de ma doctrine et je me rappelle que Jacques Noyer m’avait dit qu’il avait récemment vu le pape, Jean Paul II ou Paul VI à ce moment-là. Et le pape lui avait dit, je sais bien qu’après moi, il faudra bien ordonner des hommes mariés, mais tant que je vivrai, je maintiendrai le dépôt. Quelle liberté s’exprime dans cette foi-là? A vous de le chercher.

Donc l’Église actuelle mise sur une re-sacralisation, sur une restauration. À quoi cela peut-il aboutir? A une reconquête? Non, elle cherche à se donner plus de visibilité.  Il y a eu hier une grande manifestation du  « parvis des gentils » qui  n’est pas comparable au journal « Parvis », mais qui a eu lieu à l’Unesco, avec grandes illuminations de Notre Dame, paraît-il. L’Église cherche à se donner plus de visibilité. Il est très possible que les pouvoirs publics accèdent à sa demande, pour des raisons politiques. Mais est-ce que nous pouvons espérer que cela redonnera la foi à ceux qui l’ont perdue. À mon avis, cela n’aboutira qu’à une Église sectaire, qui se coupera de plus en plus du monde sécularisé et donc, on va nettement vers un christianisme minoritaire.

Troisième point : Quel peut être l’avenir du christianisme sous l’horizon de retrait de la religion?

Je viens de parler d’un christianisme devenu minoritaire mais il faudrait peut-être que je corrige l’expression et que je parle davantage d’une Église minoritaire, parce qu’en fait, le christianisme, s’est répandu en dehors de l’Église. Le christianisme déborde de l’Église. Voilà un phénomène  dont il faut se rendre compte. J’avais lu récemment les chroniques de Touraine, le sociologue bien connu, qui n’est pas spécialement chrétien et qui s’interrogeait sur l’avenir de la société et il constatait que dans  notre société dominée par le libéralisme économique, on perdait des valeurs de solidarité, des valeurs de fraternité, toutes les valeurs qui avaient formé la société française et qui venaient d’où? Il rappelait la devise de la République « liberté, égalité, fraternité », ce sont des idées qui venaient du christianisme, mais qui avaient mûri en dehors de l’Église où les autorités religieuses ne leur avaient pas donné droit de cité. Mais liberté, égalité, fraternité, solidarité, appelez-les comme vous voulez, sont des idées chrétiennes, des idées évangéliques. Mais c’est un christianisme hors religion.

Je pense qu’il y a là un patrimoine des valeurs. Ce ne sont pas des idées chrétiennes qui se sont répandues, propres à la foi chrétienne, en tant que telle, mais des valeurs chrétiennes. Des valeurs portées par le christianisme. Et Gaudium et Spes, précisément, a tenu à les saluer. J’en reparlerai dans la 3ème piste de réflexion. Il y a donc là, dans ces valeurs, appelez-les républicaines, si vous ne voulez pas les appeler chrétiennes, cela ne me gêne pas, mais dans lesquelles, nous chrétiens, nous devons reconnaître l’esprit de l’Évangile.

Il y a là un patrimoine du christianisme, et, pour moi, il est devenu de plus en plus clair que la tradition chrétienne s’est répandue par deux voies. Par une voie ecclésiale, mais aussi par une voie philosophique. Il y a une tradition philosophique. Il y a un patrimoine, dont les chrétiens ne doivent pas se détourner, qu’ils ne doivent pas laisser dépérir. Et donc l’évangélisation doit être, non pas une reconquête de l’espace public, mais l’entretien de ces valeurs chrétiennes dans le monde sécularisé. En les laissant telles qu’elles sont devenues : communes, sécularisées. Il ne s’agit pas de les ramener dans l’enceinte de l’Église ou de vouloir leur faire porter à nouveau notre foi chrétienne. Mais nous les considérons comme des fruits du christianisme, des fruits que le christianisme a porté hors de l’Église, qui n’a pas su acclimater ces fruits en elle-même, et donc nous avons à les entretenir par la conversation  avec ce monde. Une évangélisation, non, pas de reconquête mais de conversation, d’entretien où nous acceptons que nos paroles de croyants chrétiens se perdent dans les sables d’un monde sécularisé pour y entretenir ces valeurs dans lesquelles, nous chrétiens, nous reconnaissons l’Esprit de l’Évangile.

Nous n’avons pas besoin pour autant de nous en prévaloir et de dire cela vient de nous. Non, mais nous avons à nous préoccuper de les vitaliser, et pourquoi ? Parce qu’elles sont en très grand danger. La déshumanisation pointe partout. Nous la remarquons partout. Quand nous voyons se désagréger l’État social, ce que nous appelons l’État providence, – et malheureusement, on en parle maintenant pour s’en moquer – nous voyons que ce sont des valeurs chrétiennes qui sont en train de s’émietter, de se désagréger quand elles ne sont pas ouvertement combattues parce qu’elles empêchent ceux qui sont riches de devenir plus riches encore. Donc, il faut entretenir ces valeurs et c’est là la grande responsabilité des chrétiens, qui je crois ne doivent pas confiner leur esprit chrétien à faire vivre l’Église, mais à faire vivre ces valeurs évangéliques qui sont dans le monde sécularisé et qui sont menacées. Alors, pour cela, le problème pour nous-mêmes, chrétiens, c’est de garder la foi, puisque ces valeurs viennent de l’Évangile, elles viennent de la parole de Jésus. Et quand nous regardons l’Évangile, nous n’y trouvons pas beaucoup de religion, peut-être même n’y trouvons-nous aucune religion. Nous reconnaissons bien sûr l’institution de l’Eucharistie dans le dernier repas de Jésus qui est un repas d’amitié. Et le baptême, qui était une pratique courante, mais qui était très mal vu par les autorités religieuses de l’époque, car pourquoi aller chercher la purification dans les eaux du Jourdain, alors qu’il y a un temple qui est fait exprès pour ça?

Donc il n’y a pas de religion, il n’y a pas de code religieux dans l’Évangile, il n’y a pas de religion, il y a de la foi, une foi en Dieu qui passe par la foi de Jésus en Dieu. Une foi qui n’est pas faite d’énoncés dogmatiques, il n’y a aucun  énoncé dogmatique dans l’Évangile, mais une foi qui est orientée vers une pratique humaniste.

Quelle peut être notre recherche de foi à l’intérieur de l’Église? Redécouvrir à quel point Jésus a humanisé Dieu. Nous dirons que le salut est dans l’humanisation de l’homme. C’est Jésus qui en a donné l’élan en humanisant Dieu, en nous apprenant à regarder Dieu comme le Père commun de tous les hommes, en nous apprenant à honorer Dieu, non en allant dans le temple; jamais il n’a entraîné ses disciples au temple dans des pratiques religieuses, en tout cas, l’évangile n’en parle pas. Mais il nous a invités à honorer Dieu par le pardon des offenses, par l’amour des ennemis.

Voyez Mt 5, 41-48, Mt 6, 14-15, le Pater, le Notre Père, la première lettre de Jean 4, 8-21, où il nous dit que quelqu’un qui prétend aimer Dieu et qui n’aime pas son prochain est un menteur. Aimer Dieu, c’est aimer son prochain, c’est le critère même de l’amour de Dieu. C’est en ce sens que Jésus a dit que le second commandement, l’amour du prochain, était égal au premier.

L’amour de Dieu, dans le christianisme, passe par l’amour des autres. Il n’est pas cantonné dans le temple. Il n’est pas cantonné dans les honneurs que nous rendons à Dieu dans les églises. Il passe par l’amour des autres. Il a sa source dans la révélation de Dieu comme Père, Père universel, pas Père simplement des croyants, pas Père d’un peuple particulier, Père universel. Et Jésus nous l’a montré en fréquentant les pécheurs, en disant qu’il était envoyé aux pécheurs et aussi en poussant des pointes en direction du monde païen dans lequel son Église allait se développer.

Conclusion

D’où j’arrive à cette conclusion – il y aurait beaucoup à développer, mais c’est vous qui le ferez ensuite – comprendre le christianisme comme éthique plutôt que comme religion.

Que veut dire ce « plutôt que »? Je ne veux pas dire « au lieu de », je ne veux pas dire remplacer la religion par l’éthique, par la morale, d’autant plus que j’emploie le mot éthique plutôt que le mot morale.

Vous avez un seul commentaire de la loi dans Mt, c’est le seul endroit dans les Évangiles où il est question de la loi. Jésus n’était pas un moraliste. Mais je dis éthique, c’est un code de mœurs qu‘il nous a donné, une invitation à inventer nous-mêmes une morale qui serait guidée par l’idée de la réconciliation, du pardon, de la fraternité, de la solidarité avec tous les autres.

Donc, je ne veux pas dire non plus qu’il faudrait réduire le rite au minimum, se contenter, par exemple, d’aller à la messe le jour de Pâques. Ce n’est pas sur ce plan quantitatif que je dis « plutôt que », mais je veux dire comprendre que le religieux chrétien, lui-même, ne fait pas abstraction de la relation à l’autre, jamais, même quand nous sommes dans des pratiques religieuses, à l’intérieur d’une église. Ce religieux-là, où l’on s’adresse à Dieu par le Christ, ne fait pas abstraction de notre lien aux autres.

Et ceci donc d’abord, parce que, l’Évangile n’est pas un code de pratique religieuse, il n’y en a pas. Mais il abonde en préceptes de justice et de charité.

Par exemple, si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tu lui tends la joue gauche. On peut rire de ce précepte et on peut réagir contre, mais il est extrêmement inspirant, inspirant de la conduite. Comment va-t-on se comporter avec quelqu’un qui nous insulte. Jésus va nous inviter à aller au-devant de lui. Ça, ce n’est pas de la morale. C’est une éthique, une éthique de justice, de charité, etc. Et donc constamment l’Évangile nous invite à nous interroger sur notre comportement avec autrui. Est-ce que nous le traitons vraiment en frère, constamment? Et que pouvons-nous faire pour aider notre prochain ?

Quand on voit le précepte que nous donne St Paul dans l’épître aux Philippiens  au chapitre 2, il nous invite à imiter l’abaissement de Jésus. Qu’est-ce qu’il veut dire par là? Se soumettre les uns aux autres. Qu’est-ce que ça veut dire? Se mettre au-dessous des autres pour les élever. Les élever même au-dessus de soi-même. Les aider à croître en humanité. Les aider à devenir davantage homme. Cela, c’est une éthique, une éthique d’aider l’autre à croître, à s’élever, une éthique qui a sa source dans l’abaissement de Jésus jusqu’à la mort sur une croix, où il s’est mis au rang des esclaves, puisque la croix était le châtiment des esclaves.

Je dirais une deuxième illustration de cette éthique évangélique. Il faudrait comprendre que le rite chrétien sacralise avant tout la relation aux autres; parce que l’espace sacré n’est pas le temple matériel. L’espace sacré, nous le lisons, notamment dans saint Paul, c’est notre corps, notre corps individuel et c’est le corps social que nous formons les uns avec les autres.

L’espace sacré, c’est celui que Paul appelle le corps du Christ et qu’est-ce que le corps du Christ? Eh bien, c’est l’ensemble des chrétiens qui s’unissent les uns les autres, en vue de rayonner la fraternité autour d’eux. Donc des chrétiens rassemblés par l’amour, le souvenir de Jésus. C’est là aussi où le sacrement, par excellence qui est le sacrement de l’Eucharistie, – voir dans Cor 11 le récit de l’institution de l’Eucharistie – où Saint  Paul nous apprend à respecter le corps du Christ. Le commentaire traditionnel c’est de reconnaître que l’Eucharistie est bien le corps du Christ, le corps individuel du Christ. Non, ce n’est pas du tout la pensée de Paul. Qu’est-ce qu’il nous dit? Quand vous vous réunissez pour commémorer le souvenir du Seigneur, attendez-vous les uns les autres. Ne commencez pas à manger dès que vous arrivez sans vous occuper de ceux qui ne sont pas là et qui vont arriver les derniers. Attendez-vous les uns les autres. L’Eucharistie nous apprend à respecter le corps que nous formons quand nous nous rassemblons autour de Jésus.

C’est cela le corps du Christ qui se noue dans le souvenir de Jésus, son souvenir et son attente, le Christ à venir, c’est-à-dire tous ces hommes qui nous entourent, qui sont appelés eux aussi à entrer dans le corps du Christ, à former avec nous une seule et même humanité.

C’est cela la véritable compréhension du sacré chrétien. Jésus a donc sécularisé lui-même le sacré. Le sacré n’est pas le temple de pierre, le sacré c’est le corps que forme la multitude des chrétiens rassemblés au nom de Jésus et qui, là, apprennent à se conduire les uns envers les autres, en frères, pour le faire également avec ceux qui ne sont pas là, rassemblés présentement dans le corps du Christ, qui sont cependant les enfants du même Père, comme nous le sommes.

Troisième piste de réflexion : la vie du chrétien en Église aujourd’hui

La construction de l’Église comme espace de vie politique, comme espace politique. Là aussi, j’aurai quatre points.

– Un premier point : la définition de l’homme comme « être politique ».

– Un second point : où en est la vie politique du chrétien, dans l’Église, aujourd’hui ?

– Un troisième point : je vous renverrai à St Paul, à la citoyenneté chrétienne d’après Paul.

– Et, en conclusion, un quatrième point dont je ne dirai que quelques mots, et ce sera à vous de le remplir : comment reconstruire l’Église en société respectueuse des droits politiques de ses fidèles? Vaste programme, à supposer qu’il soit envisagé en haut lieu.

La définition d’Aristote : le chrétien est un animal politique, « zoon politikon ».

La pensée d’Aristote, exactement, c’est qu’il est de la nature de l’homme de vivre avec d’autres, en relation avec d’autres, pas seulement au milieu d’autres, mais dans une intrication les uns dans les autres. Donc conception de l’homme en tant qu’être social, ce qui ne veut pas dire simplement un individu qui vit en société, mais en tant qu’il appartient à l’homme de construire, lui-même, sa vie sociale, donc de se construire lui-même comme être avec d’autres et ainsi de construire la vie commune, la vie en société comme une vie interrelationnelle. Ce n’est pas simplement l’idée de la socialité, ça va plus loin que cela, ou bien ce serait la socialité mais comprise comme solidarité des uns avec les autres et comprise comme un partenariat les uns avec les autres, dans tous les compartiments de la vie sociale ou de la vie avec les autres. Il y a beaucoup de compartiments plus ou moins étagés, hiérarchisés, qui sont étudiés par le philosophe. C’est d’abord la vie en famille, l’homme et la femme dans le couple matrimonial, les parents et les enfants. C’est ensuite, la fratrie qui est la famille élargie, les cousins, les oncles et les tantes, spécialement développée dans certains pays restés encore assez traditionalistes. C’est la tribu, qui serait unie par une origine commune, qui vit sur un même territoire, qui, parfois, exerce la même profession. Pour le grec, c’est surtout la cité. Pour un athénien, la vie politique, c’est essentiellement  la participation à la vie de la cité, participation active, participation à l’élaboration des lois. La cité s’est introduite en Grèce vers le 5ème siècle, peut-être fin du 6ème, début du 5ème siècle avant notre ère. Pour vous situer, pensez que le monde homérique, c’est le 9ème siècle, et c’est le commencement de l’hellénisation de la Grèce. Mais la cité, elle, va s’implanter plus tardivement. Avant cela, qu’est-ce qui régit la cité? C’est essentiellement la religion. La toute première religion en Grèce, c’est le culte du foyer, dont le prêtre est le père de famille. Le temple, c’est le foyer, le lieu où l’on mange. C’est là où l’homme apprend aussi à recevoir des hôtes. C’est là où va se former la religion agraire. La religion – ce qui explique son déclin actuel – la religion est de type agraire.

Je retrouve un peu mon propos du début : à l’heure actuelle, on voit non seulement un phénomène d’urbanisation mais de métropolisation. Partout dans le monde, la vie se concentre autour d’immenses métropoles dans lesquelles l’homme perd complètement la relation avec la nature.

Alors, si l’on pense que la religion est née à l’époque où l’agriculture a remplacé la cueillette et la chasse, où l’homme va commencer à maîtriser la nature, la religion est venue de là. Il fallait offrir des sacrifices aux génies, aux dieux de la nature qui régissent tous les phénomènes de la vie. On voit combien cette religion est compromise avec le développement de la vie dans la cité devenue métropole. Et donc, la cité, en Grèce, s’installe vers la fin du 6ème, le début du 5ème siècle. C’est l’époque qui a été appelée par des historiens de la Grèce antique, une époque des lumières, une époque du rationalisme, où, il y avait bien au centre de la ville le temple, mais où il y avait aussi l’agora, l’agora en face du temple. Et d’ailleurs les prêtres étaient eux-mêmes des magistrats. C’est donc la magistrature qui prend la religion en charge. Et qu’est-ce que l’agora? C’est le lieu où les hommes libres  – on en était là –  se rassemblent pour élaborer les lois, et donc, où la cité, la vie sociale, la vie politique se construisent en face du temple, donc en se dégageant des lois sacrées, des vieilles traditions, des vieilles coutumes venues de l’époque archaïque, du chamanisme, de tout cela. L’homme organise lui-même sa vie avec les autres. C’est la première étape de la sécularisation où la liberté des individus s’exprime par le vote. Vote des impôts, vote des lois, vote des traités avec les autres cités. Toutes les cités sont indépendantes.

Mais pour un homme comme Aristote, c’est Athènes qui est la cité modèle. C’est là aussi où se décident les guerres à entreprendre. Et, donc l’espace politique, c’est éminemment l’espace de la parole, l’espace du discours, l’espace de la rhétorique. Les grands hommes politiques sont des hommes de la parole, des avocats, des légistes. Donc, c’est réservé aux hommes libres qui exercent leur liberté par l’usage de la parole, mais  d’une parole qui est échangée avec les autres. Il n’y a pas une parole qui s’impose. Ce n’est pas une parole, qui vient, comme dans certains États,  des aristocrates, des gens riches, des gens qui monopolisent le pouvoir. Le pouvoir est commun et le pouvoir dépend de l’éloquence de chacun, de la persuasion qui va réussir à se communiquer des idées, à les rendre communes, à faire que l’idée de chacun devienne l’idée de tous. Et alors, elle s’impose comme loi. Voilà donc, ce qui était la construction, comment Aristote comprend l’homme comme animal politique.

Deuxième point : alors, où en est-on sur le plan politique dans l’Église d’aujourd’hui?

Quelle est la liberté politique? Quelle est la liberté de la parole? Quelle liberté de décision est laissée aux fidèles? Voila les questions que cela nous pose.

L’Église du 19ème siècle s’est définie face aux États comme une société parfaite, c’est-à-dire, disposant absolument de tous les pouvoirs qu’il y avait dans les États. Je rappelle qu’à ce moment là, il y avait encore un État du Vatican, qui est un État de l’Église, il y avait des États de l’Église en Italie, où le pape était en même temps souverain temporel qui traitait à égalité avec les autres souverains. La papauté imposait son propre idéal politique. Alors, l’Église se définissait comme une société parfaite, c’est-à-dire dotée de tous les pouvoirs. L’Église a voulu s’affirmer comme société parfaite en voyant combien l’idée démocratique gagnait du terrain en Europe où beaucoup d’États monarchiques devaient laisser au moins les aristocrates ou les hommes plus riches élaborer des constitutions et donc reconnaître une certaine liberté aux autres. C’était aussi l’époque où tous les États monarchiques étaient menacés par l’idée démocratique c’est-à-dire par l’idée que le pouvoir appartient au peuple. Pour la papauté, c‘était une idée tout à fait irréligieuse car le pouvoir vient de Dieu. Il ne monte pas du peuple, il descend de Dieu. La papauté était persuadée que l’aspiration démocratique allait entraîner l’Europe dans le chaos politique, de telle sorte qu’un jour, tous les États se retourneraient vers l’Église et l’Église tenait à donner l’exemple d’être la société parfaite. Une société parfaite, c’était une monarchie absolue de droit divin, un tout petit peu tempérée par le collège des cardinaux. Et donc, le pouvoir appartient exclusivement à la succession apostolique des évêques, successeurs des Apôtres. C’est un pouvoir sacré, réservé aux personnes consacrées. Rappelez-vous que les rois étaient aussi sacrés, une sacralisation reçue du pape, qui marquait bien que le roi ou l’empereur était l’oint du Seigneur, c’est-à-dire tout proche de Dieu. Il avait reçu l’onction. Et donc pour l’Église, la démocratie s’oppose au droit divin, selon lequel tout pouvoir vient de Dieu, le droit révélé. D’où l’Église ne veut pas de démocratie sous quelque forme que ce soit, par exemple l’idée ce que l’on a appelé un moment le presbytérianisme, où le pouvoir serait aux mains de l’assemblée des prêtres ; ou encore l’Église a combattu l’idée que le concile œcuménique serait supérieur au pape. C’est ainsi que s’est construite, l’idée de la primauté pontificale.

Vatican II a apporté bien des adoucissements à cette vision des choses, c’est certain. Il y a des aménagements qui sont entrés dans le droit canon, ce n’est pas niable. Par exemple, il y a des laïcs qui sont entrés dans les conseils pastoraux. Vatican II a fortement invité tous les évêques et les curés à faire appel au conseil des laïcs, à faire entrer des laïcs dans leurs conseils. J’ai bien dit conseil… je n’ai pas parlé de la prise de décision; le conseil, la réflexion, mais c’est déjà quelque chose! Le droit canon reconnaît un droit d’association aux laïcs, à condition qu’ils se déclarent, bien entendu. Il n’empêche que la question se pose : est-ce que le chrétien jouit, dans l’Église, de droits citoyens comparables à ceux dont il jouit dans la société civile? On peut se poser la question. On y répond d’ailleurs assez vite.

Il ne faut pas oublier aussi qu’il y a l’inégalité qui tient à la consécration. Le pouvoir appartient aux clercs depuis l’institution de la distinction entre laïcs et clercs qui remonte au début du 3ème siècle, avec ce qu’on appelle la tradition apostolique d‘Irénée, qui n’a rien d’apostolique d’ailleurs. Mais, c’est le moment où l’on a commencé à imposer les mains à des personnes qui avaient, seules, le droit de participer à la liturgie. Donc, une inégalité hommes – femmes, puisque l’Église ne permet pas aux femmes d’accéder à la consécration. Est-ce que cet accès à la consécration sacerdotale serait le seul moyen de rétablir des droits politiques dans l’Église? A vous encore d’y réfléchir. Mais il est certain que l’inégalité homme – femme devient de plus en plus choquante dans un monde dont l’évolution se caractérise, inversement, par la participation de plus en plus grande des femmes à tous les échelons du pouvoir, du pouvoir politique comme du pouvoir industriel. Donc, au regard du monde sécularisé, le chrétien ne jouit pas, dans l’Église, des prérogatives et des libertés qui sont considérées comme constitutives des droits humains dans le société civile. Le chrétien n’est pas un individu majeur. Il est encore mineur. La femme encore plus. Et cela contribue très fortement à la séparation du monde et de l’Église, et contribue très fortement à la perte de crédibilité du langage théologique. Et même quand nous considérons les très belles avancées de Vatican II, en direction du monde moderne, il est certain que ces avancées sont réelles, très réelles, mais que le langage de l’Église n’est pas crédible, vu qu’elles ne sont pas appliquées à l’intérieur de l’Église, qu’il n’y a pas de liberté de parole dans l’Église, que les fidèles ne participent pas à l’organisation de la cité chrétienne, de la cité ecclésiale et que les femmes sont traitées à inégalité avec les hommes.

Voyons, maintenant, le troisième point : quelles idées pouvons-nous trouver dans l’Évangile pour cela?

En fait, je m’en tiendrai à saint Paul, sans oublier que saint Paul a tiré toutes ses idées de la méditation de la croix du Christ. Je vous renverrai à deux textes.

Donc, quelle est la citoyenneté chrétienne d’après Paul? Il emploie le mot « citoyenneté ».

D’abord  Éphésiens 2,11-17. Pour Paul, l’acte de naissance du christianisme, c’est l’acte politique de Dieu d’accorder aux païens le droit de cité en Israël. C’est-à-dire, la participation à toutes les prérogatives qu’il avait accordées au peuple élu. Et donc, la participation à l’élection elle-même, à l’élection qui ne dépend donc plus de la loi religieuse mais qui est étendue à tous les païens. Une élection qui vient directement de la volonté de Dieu d’être et de se comporter non pas comme le Dieu d’un peuple particulier, mais comme le père universel de tous les hommes. Et comment cela? Et bien, dit Saint Paul : Dieu était sur la croix de Jésus se réconciliant le monde. Or, de cette réconciliation, Paul nous donne une compréhension qui dépasse de beaucoup la notion sacramentelle de réconciliation, c’est-à-dire de libération des péchés. Saint Paul entend le mot « réconciliation » dans un sens politique. C’est d’abord la réconciliation, dit-il, du Grec et du Juif qui étaient ennemis. Ennemis, puisqu’aux yeux du Juif, le païen était réputé ennemi de Dieu, et donc, en tant qu’idolâtre, voué à la damnation. Il n’avait pas part aux promesses de Dieu. Et Dieu, dit Saint Paul, sur la croix signe un traité de paix entre le Grec et le Juif pour faire des deux, un seul peuple, un même peuple.

Suite de ce texte : Éphésiens  2,18-22. Il découle de cette initiative politique de Dieu, de ne plus vouloir être le Dieu d’un seul peuple mais le Dieu de tous les peuples. Il résulte de cet acte politique de Dieu, l’égalité de tous les chrétiens comme droit de citoyenneté quelle que soit leur origine, qu’ils soient Juifs ou qu’ils soient Grecs, c’est-à-dire païens d‘origine. Ils sont tous égaux et Paul dit aux Ephésiens qui sont des chrétiens d’origine grecque donc païenne : vous êtes les concitoyens des saints. Qui sont les saints? Les saints étaient les chrétiens de Jérusalem qui se disaient « saints » parce qu’ils étaient circoncis. Ils portaient le sceau de l’Alliance dans leur chair. Donc ils étaient sacrés, consacrés, et Paul leur dit : il n’y a pas d’inégalité à cet égard. Vous êtes les concitoyens des saints, à égalité avec ceux qui sont d‘origine juive.

Ce fut le grand débat aux origines de l’Église. Pouvait-on baptiser des incirconcis? Pouvait-on tolérer que des chrétiens d’origine païenne qui refusent la circoncision soient considérés comme des chrétiens à part entière, comme des saints, au même titre que ceux qui portent, dans leur chair, la marque même de la sainteté?

Donc tous les chrétiens sont égaux en droit et en dignité. Tous les membres de l’Église, quelle que soit leur origine, contribuent à construire la cité chrétienne. Et le mot est employé par Paul. Ils contribuent à construire la cité chrétienne par leurs échanges entre eux et donc, avant tout, en se reconnaissant frères et en partageant les mêmes droits et les mêmes prérogatives. Cela n’exclut pas qu’il y ait dans la cité chrétienne des pouvoirs de gouvernement ou d’enseignement. Il dit, il y a des apôtres, il y a des prophètes, il y a une diversité de fonctions, mais il y a une égalité foncière, essentielle, entre tous les chrétiens. Et vous voyez cela dans 1 Cor 12 où il montre comment il y a une grande diversité d’offices à l’intérieur de l’Église, mais chacun a son office, chacun a une fonction à exercer. Ces fonctions sont différentes, mais toutes coopèrent, également, avec la même dignité, à la construction de l’ensemble. Donc les chrétiens sont invités à mener une vie politique au sens d’Aristote, c’est-à-dire à veiller à leur « être avec ». C’est « l’être avec » de chaque chrétien avec les autres qui est constitutif de cette société. Vous pourrez lire aussi ce que dit Paul dans 1 Cor 14 où on voit l’importance qu’il accorde à la parole. Toutes les fonctions, à ce moment-là, sont avant tout, des fonctions de parole. Paul dit qu’il n’a pas été, lui, appelé à baptiser, mais à enseigner l’Évangile. Donc, il y avait dans l’Église chrétienne – c’est un phénomène très caractéristique – une effusion de parole due à l’effusion de l’Esprit Saint. Ce sont des phénomènes qui nous paraissent peut-être un peu bizarres mais qui se passaient sans doute dans des sociétés religieuses de l’époque, des phénomènes de glossolalie – parler en langues – d’extases, de visions auxquels les chrétiens attachaient beaucoup d’importance, qui étaient peut-être la marque sentimentale de leur joie d’être sauvés par le Christ, d’entrer dans l’Église du Christ, mais dont Paul se méfiait beaucoup. On voit Paul, non pas restreindre la liberté de la parole, mais demander à ce que cette parole soit intelligible, qu’elle soit communicable, donc qu’elle soit rationnelle. Et notamment, sa critique du « parler en langues » qui est pratiqué dans les communautés charismatiques de nos jours. Paul leur dit : « Mais voyons, si un étranger, un païen,  entre dans nos églises – ce qui montre bien qu’il y avait un peu d’osmose, et que beaucoup de païens fréquentaient les réunions chrétiennes pour voir un peu ce qui s’y passait, du moins, à partir du moment où ces communautés chrétiennes se réunissaient à part, en dehors de la synagogue – qu’est-ce qu’il va dire ? Il ne va rien comprendre. Il va dire vous êtes des fous ». Et donc, Paul préconisait une parole raisonnable, une parole communicable, donc un véritable échange de la parole, non pas simplement des murmures adressés à la divinité.

Je voulais attirer votre attention sur le fait que les communautés chrétiennes se sont caractérisées par une grande explosion de parole, une communication de la parole. Et c’est pourquoi il fallait de temps en temps que l’Apôtre la tempère. Mais tout le monde avait le droit à la parole et cela venait de l’Esprit Saint. Et c’était cet échange de parole qui fabriquait la concitoyenneté chrétienne. Et donc l’Esprit libère la parole. Tous ont le droit à la parole et Paul préconise, par-dessus tout, même au-dessus de la parole prophétique, une parole d’interprétation. Qu’est-ce que c’est que l’interprétation sinon le discernement critique?

Je voudrais ensuite vous inviter à réfléchir à la grande loi paulinienne, qu’il exprime à plusieurs reprises de différentes façons dans 1 Cor 12,11 et dans l’épître aux Galates 3,38. Cette loi qui s’énonce ainsi : il n’y a plus ni Juifs et Grecs, ni hommes libres et esclaves, ni masculin et féminin, vous êtes tous un dans le Christ.

Alors c’est là où Paul apparaît comme le fondateur de la société ouverte. Non, je ne prétends pas que Paul était un féministe, mais non, il ne l’était pas, il n’était pas un anti-esclavagiste, et non, il ne l’était pas. Il était de son temps. Il avait les idées limitées de son temps. Il ne supprimait pas les différences mais ne voulait pas que des différences deviennent des divisions dans l’Église. Essentiellement cela : il ne voulait pas qu’elles nuisent à l’unité du corps social de l’Église. Il enseignait le respect de tous. Or la société païenne était une société très cloisonnée, avant tout cloisonnée par les lois religieuses. Chaque cité a sa divinité, a ses dieux, même plusieurs et le pouvoir patriarcal est un pouvoir en quelque sorte divin que le père de famille ou le chef de tribu exerce sur tous les siens ; et les magistrats eux-mêmes ont tous un caractère plus ou moins sacerdotal. Donc Paul est le fondateur de la société ouverte en tant qu’il contribue à changer une politique qui était fondée sur la discrimination religieuse.

D’où la question qui est le quatrième point de cette deuxième piste : comment reconstruire l’Église en société respectueuse des droits politiques de ses fidèles?

Je vous laisserai encore, là, le soin d’y répondre vous-mêmes.

Comment les chrétiens peuvent-ils arriver à tenir une parole responsable dans l’Église? Comment faire?

Il est certain que l’Église n’entend pas laisser, par exemple, ses dogmes et ses pratiques religieuses, et les abandonner à la libre initiative des fidèles. On ne peut oublier que l’Église est un État de droit, comme on aime à le dire de nos jours. C’est-à-dire qu’elle est fondée sur une écriture, une tradition. On pourrait rappeler que, pendant très longtemps, la coutume était d’élire les évêques. Les évêques étaient élus par leur communauté. C’est quand l’administration de l’Église s’est modelée sur l’administration impériale après la conversion de Constantin, c’est à ce moment-là que toute la vie de l’Église a changé et qu’elle est devenue beaucoup plus hiérarchique et centralisée etc.

La hiérarchie ecclésiastique se dit dépositaire du droit divin, de l’écriture et de la tradition, mais cela ne devrait pas empêcher les catholiques, les chrétiens, les fidèles, d’exercer une fonction interprétative.

La tradition a toujours été une innovation incessante qui reflète beaucoup des évolutions culturelles des sociétés où les laïcs ont eu leur importance. Comment se fait-il, par exemple, que la pénitence privée a succédé, au 11ème siècle, à la pénitence publique ? Parce que les chrétiens ne voulaient plus de la pénitence publique, ne voulaient plus s’y soumettre, et alors l’Église a évolué pour cette raison-là. Comment les laïcs pourraient-ils exercer une fonction interprétative? Comment concevoir des droits de citoyenneté, de concitoyenneté dans l’Église. Il faut se rappeler, bien sûr, que Paul ne prônait rien tant que l’unité de la foi. Autrement dit, aucun chrétien ne peut prétendre imposer sa parole à d’autres. Aucun groupe chrétien ne peut l’imposer aux autres groupes chrétiens. Il faut avoir le souci de l’unité, d’un certain consensus. Alors, il ne faut pas s’attendre à ce que les évêques, d’eux-mêmes, donnent la liberté de la parole aux chrétiens. Il ne faut pas rêver. Il y a des évêques qui, de plus en plus, consultent, oui, mais il ne faut pas oublier non plus que l’épiscopat, c’est la chaîne historique qui nous rattache aux origines chrétiennes. C’est à ce titre que je tiens au symbole des Apôtres, non pas pour refuser aux chrétiens ou à des groupes chrétiens de se faire des credo particuliers. Mais c’est le lien qui nous rattache à l’événement historique de Jésus-Christ, à la révélation historique de Dieu en Jésus-Christ. Le symbole des Apôtres rappelle que Jésus était un homme de l’histoire et que l’Esprit Saint vient de lui, l’Esprit Saint qui forme la communauté.

A ce propos, je le dis en passant, dans le symbole des Apôtres, quand on dit : « Je crois à l’Église » , c’est l’Église eschatologique, c’est-à-dire l’Église céleste, l’Église réunie par l’Esprit Saint. Et donc, la signification est très différente de l’article concernant l’Église dans le symbole de Nicée Constantinople, où il s’agit là de l’Église terrestre.

Donc les chrétiens peuvent revendiquer le droit d’exercer la responsabilité de leur « vivre ensemble » en l’Église. Et aucune autorité religieuse ne peut les empêcher de prendre la responsabilité de leur « être chrétien » dans le monde, de leur « être avec les autres » dans le monde. Encore le chrétien doit-il prendre aussi ses responsabilités sur la base d’une lecture commune de l’Évangile, d’une interprétation collective de l’Évangile pour voir comment vivre en chrétien dans le monde et comment vivre dans l’Église en « être politique » c’est-à-dire en être libre. Comment vivre la vie de l’Église dans des communautés de partage de la parole évangélique Là, je crois que vous savez faire. Vous avez là un savoir-faire à répandre, en évitant d’effrayer les autres. Hélas, tous n’aspirent pas à la même liberté, c’est ça qui est triste. Il faudrait rendre attractive la liberté à laquelle nous, nous aspirons et que nous essayons de prendre. Mais transformer de plus en plus la vie en Église, non pas en réunions cultuelles mais en communautés de partage de la parole évangélique. Ce partage incluant le partage du pain, comme ça se faisait au début de l’Église. Partager la parole, c’est ainsi que, peu à peu, les fidèles pourront prendre et exercer des droits de citoyenneté dans l’Église.

Il y a là, donc, un vaste champ de réflexion en se disant et en essayant de faire comprendre aux autorités de l’Église, que l’Église ne sera respectée dans le monde que dans la mesure où elle apparaîtra, elle-même, comme un espace de vie et de liberté politiques. Tant qu’elle n’apparaîtra pas ainsi, alors elle apparaîtra comme une secte religieuse où c’est le rite qui domine tout. La chance de l’Église de répandre l’Évangile dans le monde, c’est de montrer, elle-même, qu’il y a, dans l’Église, une liberté de parole, d’échange de parole, de construction d’une parole chrétienne

Et j’arrive à ma troisième piste de réflexion : annoncer l’Évangile en terme de sens de la vie humaine.

Sens ou salut ?

C’est une question qu’on doit se poser quand on cherche dans quels domaines pourrait s’exercer le droit des fidèles à une parole responsable. Faut-il la définir par l’accès au salut  ou par l’accès au sens que l’Évangile donne à la vie humaine?

Si nous voulons la répandre comme un accès au salut éternel où l’épiscopat dira : « L’accès au salut éternel vient directement de la révélation, dont le dépôt nous a été confié à nous, évêques », alors peut-être faudrait-il se transporter, pour acquérir cette liberté de parole, dans le domaine du sens.

Définir le sens que l’Évangile donne à la vie humaine. Alors, quel rapport y a-t-il entre le sens et le salut? Grave question que nous pouvons nous poser. Où situons-nous notre foi, de préférence? Dans le salut ou dans le sens?

Un historien du 18ème siècle faisait remonter la perte de vitalité des églises au 18ème siècle, à ceci que l’Église ne savait que parler des fins éternelles, spécialement en inspirant la peur, à une époque où les gens commençaient  à s’intéresser de plus en plus aux fins temporelles.

Est-ce que l’Église s’intéresse aux fins temporelles? Est-ce que notre foi chrétienne est intéressée à définir, à déterminer les fins temporelles qui évoluent, bien sûr toujours, à travers le temps et l’espace?

Deuxième petite anecdote : avant-hier,  j’écoutais, la nuit, un débat sur France Culture où il y avait des sociologues de la religion qui débattaient autour d’un sondage d’opinion qui a dû être publié hier ou avant-hier par le journal La Croix, sur la pratique chrétienne tombée à 5%. Des sociologues disaient : « l’Église ne sait que parler en terme de salut, ça n’intéresse plus personne ». Ils pensaient au salut – la vie éternelle – la vie dans l’au-delà. On a le temps de voir. Moi je n’ai plus grand temps ! Ils demandaient pourquoi ne s’intéresse-t-on pas à la recherche du sens? Est-ce que l’Église est capable de parler en terme de sens, le sens de la vie conjugale, le sens des affaires, le sens de l’économie : où va l’économie, le sens de l’histoire, l’accueil des étrangers etc. parler en terme de sens?

Une question à laquelle vous pourrez réfléchir : est-ce qu’un discours du sens pourrait se substituer, chez les chrétiens, au discours du salut? Je ne dis pas l’éliminer, mais en prendre la place. Est-ce qu’un discours du sens pourrait se présenter comme un discours du salut? Ou, en termes inverses, présenter le discours du salut en terme de sens?

C’est là où je voudrais dire, deuxième point, qu’un discours du sens a bien été tenu au Concile Vatican II.

Il a été tenu dans le document appelé « Gaudium et spes ».  C’était l’un des documents qui a été le plus contesté. Déjà au terme du Concile, il faisait peur. Quand on disait que l’Église devait s’ouvrir au monde – j’ai lu ça dans les carnets du Père de Lubac – tout le monde comprenait qu’il fallait s’ouvrir à l’athéisme et au bolchevisme, ce qui faisait encore plus peur que l’athéisme. Le Père de Lubac, lui-même, malgré son ouverture d’esprit, craignait beaucoup ce discours de l’ouverture du sens. Il racontait comment il avait entendu le Cardinal Marty expliquer comment l’Église devait s’ouvrir au monde. Et, n’en pouvant plus, il est allé le trouver dans un couloir, pour lui dir : « Mais enfin, Eminence, est-ce que vous ne vous rendez pas compte que vous êtes en train de dire qu’il faut se convertir à l’athéisme et au bolchevisme ». Alors de Lubac dit : « Le cardinal m’a écouté d’un regard plein de bonté (phrase superbe !), visiblement sans rien comprendre et il m’a embrassé et il est parti ».

Quelle est la nouveauté de Vatican II? Pour moi, la grande nouveauté de Vatican II, c’est bien «Gaudium et Spes » où l’Église a reconnu toutes les libertés que, depuis deux siècles, s’était donné le monde sécularisé contre l’Église. Toutes ces libertés que l’Église du 19ème siècle n’avait pas cessé d’anathématiser et de repousser, comme le droit, notamment très caractéristique, à la liberté de la foi, le droit à la liberté de parole. Vatican II a salué la dignité de la personne humaine. Il a voulu tenir au monde un langage nouveau. Il a dit que l’Église voulait se mettre au service du monde pour aider le monde à se procurer les biens auxquels il aspirait, qui sont des biens temporels, des biens spirituels. L’Église s’intéressait aux fins temporelles de l’humanité, enfin, enfin! Pas uniquement aux fins éternelles. L’Église commençait là, à Vatican II, à insérer le salut dans la recherche du sens. C’est l’homme qu’il s’agit de sauver, la société humaine qu’il faut renouveler. Alors, bien sûr, le Concile parle encore en terme de salut : « qu’il faut sauver », mais la référence au renouvellement de la société humaine montre bien qu’il dépassait le salut religieux tel qu’il est compris par la pratique religieuse ou des croyances religieuses. Il montrait bien qu’il s’agissait de repenser et de renouveler la condition humaine dans le monde d’aujourd’hui. C’est d’ailleurs le titre de l’exposé préliminaire de ce document intitulé « Gaudium et Spes », c’est-à-dire « L’Église dans le monde de ce temps ». Donc il s’agissait du sens de l’histoire, s’intéresser à la condition humaine. C’était donc une invitation adressée à tous les laïcs chrétiens, ceux qui participent le plus directement à la vie dans le monde. L’invitation adressée à ces laïcs, à tenir à leurs concitoyens du monde, un discours du sens, inspiré par l’Évangile. Alors, ce discours du sens peut-il vraiment être tenu comme un discours de salut devant Dieu, de salut éternel?  C’est la réflexion à laquelle je m’attache en ce moment, en tant que théologien. Pour moi, c’est la parole que l’Église doit tenir. Elle ne peut pas tenir une parole universelle si elle se contente de dire : « Revenez adorer Jésus Christ dans nos églises ». Si elle veut inviter les hommes vraiment au salut, et bien, il faut tenir un discours du sens.

Mais quel rapport y a-t-il entre le sens et le salut? Pour moi, et là, je prends position comme théologien, cela est lié au rapport entre l’ordre de la création et l’ordre du salut. Qu’est-ce que Dieu veut sauver? Pour moi, Dieu ne veut pas sauver des individus. Dieu veut sauver l’humanité comme totalité. Dieu veut sauver ce qu’il a créé, car il a créé l’homme pour la liberté. Il a créé l’homme à son image. Il l’a créé pour le bonheur, pour participer à son bonheur à lui-même. Mais ce que Dieu veut, c’est l’unité de l’humanité. « Qu’ils soient tous un », c’est le testament de Jésus (Jn 17,21).

Que veut Dieu? Le salut pour lui, c’est celui d’une humanité réconciliée, puisque Dieu était dans le Christ, se réconciliant le monde, dit Saint Paul (2Cor5,19). Et Paul dit que, dans le Christ, est apparue une nouvelle création (2Cor5,17). La création nouvelle, la création qui se fait dans le Christ, c’est l’humanité rassemblée dans le pardon mutuel, rassemblée dans la fraternité, unifiée à l’image de Dieu. Donc, tout ce qui va dans le sens de l’humanisation de l’homme, de l’humanisation de la nature, de l’humanisation de la société, de l’humanisation de l’économie etc., tout ce qui va dans le sens de la réconciliation des hommes entre eux, des classes sociales entre elles, des riches et des pauvres, des peuples entre eux, tout ce qui va dans ce sens, le sens de la paix, de la fraternité, de la réconciliation, tout cela va dans le sens du salut.

Qu’est-ce que Dieu veut des hommes? Qu’ils s’aiment les uns les autres. Qu’ils se pardonnent mutuellement leurs offenses. Voilà la seule loi du salut que Jésus nous a donnée et, c’est ainsi que Dieu, au terme de l’histoire, appelle l’humanité à entrer dans son bonheur, dans sa béatitude. L’humanité sauvée, c’est une humanité réconciliée et cette réconciliation se fait dès maintenant quand nous travaillons à l’humanisation de l’homme. Quand nous travaillons à l’humanisation de l’homme, nous travaillons au salut de l’humanité.

Texte publié le 13 juillet 2011 par Lucette Bottinelli
Reproduit avec l’aimable autorisation de NSAE


À lire :

Joseph Moingt, Croire quand même. Libres entretiens sur le présent et le futur du catholicisme, Ed. Temps Présent, Coll. Semeurs d’Avenir, Nov. 2010, 248 pages.

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